Carole Uzan en a une bonne idée. Chargée de mission Aménagement, Urbanisme et Transports à la CCI Val d’Oise, elle raconte l’aventure du plan de mobilité de l’aéroport de Roissy. « Ici, ça a été une démarche spontanée, née de problèmes de déplacement permanents : la saturation de la voirie crée des bouchons, les transports en commun ne circulent pas la nuit alors que 70 % des salariés de la plateforme travaillent… de nuit. » Qui plus est, voilà des salariés qui habitent partout sauf à Paris (21 % en Seine-et-Marne, 14 % en Seine-Saint-Denis… et 16 % dans l’Oise), ils sont éparpillés. La première ville d’origine des salariés est d’ailleurs Senlis, qui ne se trouve pas précisément dans l’aire couverte par Ile-de-France Mobilités. Ni métro, ni bus, ni tram, rien. Le tout-voiture.
Rien d’étonnant à ce que le turn-over soit important, que les entreprises aient du mal à recruter, tant il est difficile, pour des personnels aux petits salaires, de se motiver pour aller travailler loin, seul dans la voiture, pour un coût mensuel élevé. Roissy, confrontée au même problème que l’agglomération de Marseille. Roissy ? c’est 3 200 hectares, 86 000 salariés répartis dans plus de 650 entreprises, fonctionnant pour la plupart 24 heures/24. Une gageure que d’espérer réunir les besoins de mobilité de chacune ! « En 2010, 6 entreprises (ADP, Air France, CIF Kéolis, FedEx, GSF et La Poste), fortes de leurs 43 000 salariés, se sont engagées dans la mise en place d’un PDIE. Un diagnostic a été lancé sur la base d’entretiens individuels, d’un questionnaire complété par les entreprises, et d’une étude des communes de résidence des salariés et d’une analyse de territoire ». Bilan ? Il est apparu qu’à peine 15 % des salariés utilisaient les transports en commun… Un plan d’action a été élaboré, une charte d’engagement signée en avril 2011, des fiches de renseignement réalisées sur l’offre réelle de transports dans les 90 communes d’origine des employés. « Mieux, trois lignes de transport à la demande fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ont été mises en place pour répondre aux besoins des personnes travaillant en horaires décalés. » Ces lignes ont rencontré depuis lors assez de succès pour que deux d’entre elles – les dénommées Filéo – vers Sevran et fosses, soient devenues régulières. Elles sont exploitées par Kéolys.
« C’est ensuite avec le second plan d’action, que l’idée de créer une association (R’Pro’Mobilité), avec une animatrice – moi, Carole Uzan – a émergé. Elle regroupe aujourd’hui neuf entreprises », le centre commercial Aéroville, Air France, Bolloré Logistics, CIF-Kéolis, Groupe ADP, Hub One, Hub Safe, FedEx et La Poste.
Troisième étape, une nouvelle enquête de déplacements a été menée en 2015 auprès des salariés. Elle a révélé un temps de trajet aller-retour très supérieur à la moyenne francilienne : 106 minutes ! 1 h 46, chaque jour, pour aller travailler et revenir. Quatre cent quinze heures par an, soit près de dix-huit jours perdus dans la voiture… « On a du coup lancé une plateforme de covoiturage, R’Pro’covoiturage, en septembre 2017, avec l’offre Boogi, via une application sur smartphones. C’est déjà un succès. » Les salariés se mettent en commun pour aller et venir. « De la mutualisation de véhicules. On essaie d’ailleurs de tout mutualiser, par exemple nos ressources avec les PDIE environnants, ceux de Paris-Nord 2, Gonesse, et Le Bourget. »
Rien n’aurait été possible sans une animation constante, sans des réunions régulières, sans une mouche du coche. « Sans, non plus, les salariés eux-mêmes ! Du 30 mai au 16 septembre 2016 1 200 d’entre eux ont durant trois mois et demi enregistré leurs déplacements via une application et un site web dédié. L’opération ÉcoDéfi Roissy. Les « bons » déplacements en covoiturage, en bus, en RER, les journées de télétravail… faisaient gagner des points, et avec les points, des cadeaux comme un vélo pliant, une trottinette électrique. etc. » `